Flash jurisprudentiel : l’accord sur les forfaits jours de la branche du bricolage est invalidé par la Cour de Cassation

5 avril 2021 | Droit du travail

Les conventions de forfait conclues sur la base de l’accord du 23 juin 2000 sur la réduction du temps de travail à 35 heures dans le secteur du bricolage sont nulles.

Le droit à la santé et au repos est une exigence constitutionnelle et toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

C’est ce que vient de rappeler avec force la Cour de cassation dans un arrêt du 24 mars 2021 (n° 19-12.208).

Dans cette affaire, une salariée mettait en cause l’article 3 II de l’accord du 23 juin 2000 relatif à l’application de la RTT dans le secteur du bricolage, sur le fondement duquel était conclue sa convention de forfait.

Elle estimait que les dispositions de cet article ne permettaient pas de garantir le respect des durées maximales de travail, ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

La Cour de cassation valide cette position et juge que l’article 3 II de l’accord du 23 juin 2000 ne présente pas de garanties suffisantes, dans la mesure où les dispositions se bornent à prévoir :

-d’une part, que le chef d’établissement veille à ce que la charge de travail des cadres concernés par la réduction du temps de travail soit compatible avec celle-ci

-et, d’autre part, que les cadres bénéficient d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives. Ils ne peuvent être occupés plus de 6 jours par semaine et bénéficient d’un repos hebdomadaire d’une durée de 35 heures consécutives.

La Cour de cassation constate que l’article 3 II de l’accord du 23 juin 2000 n’institue aucun suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.

Par conséquent, elle considère qu’il n’est pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié.

De ce fait, la Cour de cassation invalide donc les dispositions de l’article 3 II de l’accord du 23 juin 2000 et casse l’arrêt de la cour d’appel qui n’a pas déclaré nulle la convention de forfait en jours de la salariée.

En pratique, l’invalidation de l’accord du 23 juin 2000 relatif à l’application de la RTT dans le secteur du bricolage ouvre donc la possibilité pour les salariés en forfait-jours relevant de ce périmètre d’invoquer la nullité de leur convention individuelle et d’effectuer des demandes de rappel de salaires aux titres des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle de travail.

Cela étant, des solutions avaient été dégagées pour les entreprises relevant de convention collectives lacunaires. En effet, depuis l’entrée en vigueur de la Loi Travail, le 10 août 2016, si l’accord collectif ne prévoit rien en la matière, l’employeur peut néanmoins conclure des conventions individuelles de forfaits annuels en jours à la triple condition (article L. 3121-65 I du Code du Travail) :

  • d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées (sous la responsabilité de l’employeur, ce document peut être renseigné par le salarié) ;
  • de s’assurer que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
  • et d’organiser, une fois par an, un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, ainsi que sa rémunération.

L’auteure de cet article, Maître Edith Dias Fernandes, Avocate à Amiens en droit du travail et en droit de la sécurité sociale, conseille et assiste régulièrement ses clients sur ce type de problématiques.