Port du voile dans l’entreprise : la Cour de cassation confirme sa position

19 avril 2021 | Droit du travail

La question du port du voile a fait l’objet d’un nouvel arrêt de la Cour de cassation en date du 14 avril 2021 (19-24.079) s’agissant d’un magasin de prêt à porter. 

En l’espèce, l’employeur, dont le règlement intérieur était muet sur la question, justifiait sa décision de licencier une salariée portant le voile en se plaçant notamment sur le terrain de l’image de l’entreprise et de sa clientèle, qui selon lui serait susceptible d’être contrariée au préjudice de l’entreprise.

Ne le suivant pas dans cette argumentation, la Cour de cassation, conformément à sa ligne jurisprudentielle, confirme que l’attente des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de vêtements ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante permettant de justifier l’interdiction du port du voile.

Dans sa décision, la Cour de cassation fait une application scrupuleuse des principes d’ores et déjà dégagés en la matière.

Pour rappel, l’article L. 1321-2-1 du Code du Travail dispose désormais que : « … Le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché … ».

Par un arrêt en date du 22 novembre 2017 (n° 13-19855 PBRI), la Cour de cassation avait reconnu la possibilité d’insérer dans le règlement intérieur une clause générale permettant d’interdire aux salariés le port de tout signe religieux, politique ou philosophique, lorsqu’ils sont en contact avec les clients.

Enfin, par un arrêt du 8 juillet 2020 (n° 18-23743), la Cour de cassation avait précisé que si cette restriction du port d’un signe religieux ne figure pas dans le règlement intérieur, elle n’est possible que s’il existe une « exigence professionnelle essentielle et déterminante », au sens de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000.

Dans son arrêt du 14 avril 2021, la Cour de cassation rappelle donc ce mode d’emploi.

En l’occurrence, la Cour relève que « aucune clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n’était prévue dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur ».

Elle considère donc que « l’interdiction faite à la salariée de porter un foulard islamique caractérisait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée ».

Restait donc à déterminer si cette discrimination directe pouvait malgré tout être justifiée par une exigence essentielle et déterminante.

L’arrêt rappelle à ce titre la définition de la CJUE : la notion d’exigence professionnelle essentielle et déterminante « renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause. Elle ne saurait, en revanche, couvrir des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client » (CJUE, 14 mars 2017, aff. C-188/15).

La Haute Cour en tire donc logiquement la conséquence suivante : « l’attente alléguée des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de détail d’habillement ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante ».

Sans réelle surprise, le licenciement de la salariée est jugé discriminatoire et son annulation est donc confirmée par la Cour de cassation.

L’auteure de cet article, Maître Edith Dias Fernandes, Avocate à Amiens en droit du travail et en droit de la sécurité sociale, conseille et assiste régulièrement ses clients sur ce type de problématiques.